Au titre des politiques relatives à l’usage des ressources renouvelables, cette initiative ne pourrait que retenir favorablement notre attention.
Toutefois, et en l’état, le projet d’usine ne répond à aucune logique de développement durable.
En
effet, cette centrale va concentrer sur un seul site l’emploi d’une
ressource diffuse présente dans tous les pays d’Ille et Vilaine, privant
ainsi les territoires concernés de toute initiative d’exploitation de
proximité. L’article paru dans le journal Les Rennais de mai- juin 2011 précise bien qu’il faudra aller chercher la ressource à 100 km autour du site…
Une
plateforme de combustion qui possède une telle taille contribuera à
déséquilibrer lourdement la filière bois. Cette filière commence
péniblement à se mettre en place pour réaliser des projets autrement
plus modestes et dont l’approvisionnement est organisé dans le même
espace de valorisation énergétique.
Quelques chiffres.
Pour alimenter cette chaudière, on nous indique un besoin annuel de 117 000 tonnes de bois.
La forêt Bretonne à maturité produit en moyenne 4 tonnes par hectare et par an. En conséquence, ce sont (seulement !)
quatre tonnes par hectare et par an qu’il est possible de prélever sans
altérer son renouvellement. Les opérations à effectuer s’opèrent
généralement par élagage ou abattage raisonné (système de rotation dans le temps).
Ainsi, prélever 117 000 tonnes de bois nécessite une exploitation
rationnelle et parfaitement organisée de 30 000 hectares. Pour apporter
tout l’éclairage que chacun d’entre nous est en droit d’attendre,
précisons que la totalité des surfaces occupées par les grands massifs
forestiers d’Ille et Vilaine constituent tout au plus 25 000 HA ([1]).
En y ajoutant l’ensemble des boisements déjà bien structurés, nous
devrions atteindre une superficie recensée de quelques 50 000 hectares.
Naturellement, il reste des bois plus modestes, des taillis, mais
également le bocage et les bords de route. Toutefois, personne ne peut
raisonnablement envisager que ce potentiel puisse être facilement
maîtrisable à l’échelle industrielle avant 15 à 20 ans.
Les zones naturelles et boisées d’Ille et Vilaine représentent environ 90 000 Ha tout au plus (380 000 Ha à l’échelle des 4 départements bretons).
Un tel projet de centrale thermique au bois absorberait par conséquent
entre le quart et le tiers du potentiel de biomasse ligneuse exploitable
en Ille & Vilaine. En conclusion, si un tel projet n’indique pas
plus précisément la proportion d’apports de bois qui proviendrait des
conditionnements à détruire (palettes non consignées) et de bois issus de démolitions (bâtiments anciens),
il n’est pas acceptable qu’il soit réalisé en l’état. Son impact
écologique sur les actuels boisements départementaux serait bien trop
important.
Je souhaite aussi préciser qu’un autre critère de
conditionnalité doit être pris en compte. C’est celui de l’eau. Les
milieux forestiers souffrent comme toute autre culture d’apports
hydriques insuffisants. Nous savons tous que la climatologie est sujette
à variations significatives. Un couvert forestier se développe, en
Bretagne comme dans tout l’Ouest, sous condition de disposer d’au moins
500 mm d’eau par an (5 000 m3 par hectare). Nul doute que
dans les calculs, il conviendra d’intégrer le risque pluviométrique qui
constitue un facteur limitant pour tout prélèvement forestier.
Avant
que nous soyons consultés officiellement à propos de ce projet de très
grande ampleur, j’ai souhaité rendre publique mon analyse pour que
personne ne puisse dire qu’il ne savait pas lorsque le processus de
raréfaction de la ressource sera engagé dans quelques années.
Très
investi sur le sujet de la valorisation de la biomasse de proximité, je
tiens à préciser que la commune de Chartres et le Syndicat
intercommunal de la Conterie (11 communes) ont engagé un plan biomasse
local. Celui-ci est destiné à développer la production en réalisant des
plantations dans les propriétés communales de même que dans les secteurs
urbanisés. Par exemple, sur la commune de Chartres de Bretagne, Le plan
biomasse engage la Ville à boiser 2 hectares par an avec des essences
productives strictement locales ; et ce durant les 15 prochaines années.
En
outre, la commune réalise une plate forme de collecte / réception des
bois en vue de les conditionner par broyage. Les matières ligneuses
seront ensuite dédiées à la piscine de la Conterie et à la chaudière des
serres communales. Précisons que la collectivité a lancé la
construction d’un réseau de chaleur entre la Conterie, la future halle
multifonctions et le centre culturel Pôle Sud. Ainsi, elle achètera
l’énergie disponible auprès du syndicat de la Conterie ; ceci pour
optimiser l’investissement grâce à l’usage de l’unité de combustion à sa
charge nominale.
Les besoins annuels de la chaudière du syndicat
intercommunal sont de 700 à 800 tonnes de bois chaque année ; ce qui
représente un besoin d’exploitation forestière qui correspond à 200
hectares nets. Il convient de trouver ces superficies dans les 11
communes membres. Précisons que le « territoire Conterie » est supérieur
à 20 000 Ha. Enfin, et bien évidemment, notre objectif n’est pas
d’occuper des surfaces agricoles, mais de développer les massifs boisés
dans les délaissés urbains et routiers.
Concernant les besoins
thermiques des secteurs urbains densifiés, nous travaillons actuellement
sur la recherche des gisements hydrogéologiques et géothermiques
profonds (au delà de moins 500 m). La véritable, mais encore
potentielle, alternative thermique réside dans de tels projets. La
commune de Chartres de Bretagne et le Bureau de Recherches Géologiques
et Minières (BRGM) se sont engagés dans cette voie de recherche depuis
2009. Il s’agit du programme CINERGY(*). Les résultats des forages et
études nous permettront de revenir sur le sujet d’ici quelques mois.
Philippe
Bonnin
(*)Connaissance de la géologie profonde du bassin tertiaire Rennais à visée géothermique et hydrogéologique ; Avec le Soutien de l’Etat, la Région, l’Ille et Vilaine, Rennes Métropole et les Syndicats d’eau.
([1])Total
des forêts de : Rennes, Liffré, le Pertre, Coëtquen, Fougères, Haute
Sève, Mesnil, Montauban, Paimpont, Villecartier, Teillay, Rannée-la
Guerche, Iffendic, Araize, Le Theil et Montfort.