lundi 26 septembre 2011

Le projet de centrale à Biomasse du Sud de Rennes n’est pas recevable en l’état.

En partenariat avec Dalkia, la Ville de Rennes présente un projet de « centrale biomasse » alimentée au bois. L’objectif est de produire de la chaleur pour les quartiers Sud de Rennes et de l’électricité selon le principe de la cogénération (produire de la vapeur pour faire tourner une turbine couplée à un alternateur et récupérer la chaleur pour le chauffage urbain).
Au titre des politiques relatives à l’usage des ressources renouvelables, cette initiative ne pourrait que retenir favorablement notre attention.
Toutefois, et en l’état, le projet d’usine ne répond à aucune logique de développement durable.
En effet, cette centrale va concentrer sur un seul site l’emploi d’une ressource diffuse présente dans tous les pays d’Ille et Vilaine, privant ainsi les territoires concernés de toute initiative d’exploitation de proximité. L’article paru dans le journal Les Rennais de mai- juin 2011 précise bien qu’il faudra aller chercher la ressource à 100 km autour du site…
Une plateforme de combustion qui possède une telle taille contribuera à déséquilibrer lourdement la filière bois. Cette filière commence péniblement à se mettre en place pour réaliser des projets autrement plus modestes et dont l’approvisionnement est organisé dans le même espace de valorisation énergétique.
 Quelques chiffres.
Pour alimenter cette chaudière, on nous indique un besoin annuel de 117 000 tonnes de bois.
La forêt Bretonne à maturité produit en moyenne 4 tonnes par hectare et par an. En conséquence, ce sont (seulement !) quatre tonnes par hectare et par an qu’il est possible de prélever sans altérer son renouvellement. Les opérations à effectuer s’opèrent généralement par élagage ou abattage raisonné (système de rotation dans le temps). Ainsi, prélever 117 000 tonnes de bois nécessite une exploitation rationnelle et parfaitement organisée de 30 000 hectares. Pour apporter tout l’éclairage que chacun d’entre nous est en droit d’attendre, précisons que la totalité des surfaces occupées par les grands massifs forestiers d’Ille et Vilaine constituent tout au plus 25 000 HA ([1]). En y ajoutant l’ensemble des boisements déjà bien structurés, nous devrions atteindre une superficie recensée de quelques 50 000 hectares. Naturellement, il reste des bois plus modestes, des taillis, mais également le bocage et les bords de route. Toutefois, personne ne peut raisonnablement envisager que ce potentiel puisse être facilement maîtrisable à l’échelle industrielle avant 15 à 20 ans.
Les zones naturelles et boisées d’Ille et Vilaine représentent environ 90 000 Ha tout au plus (380 000 Ha à l’échelle des 4 départements bretons). Un tel projet de centrale thermique au bois absorberait par conséquent entre le quart et le tiers du potentiel de biomasse ligneuse exploitable en Ille & Vilaine. En conclusion, si un tel projet n’indique pas plus précisément la proportion d’apports de bois qui proviendrait des conditionnements à détruire (palettes non consignées) et de bois issus de démolitions (bâtiments anciens), il n’est pas acceptable qu’il soit réalisé en l’état. Son impact écologique sur les actuels boisements départementaux serait bien trop important.
Je souhaite aussi préciser qu’un autre critère de conditionnalité doit être pris en compte. C’est celui de l’eau. Les milieux forestiers souffrent comme toute autre culture d’apports hydriques insuffisants. Nous savons tous que la climatologie est sujette à variations significatives. Un couvert forestier se développe, en Bretagne comme dans tout l’Ouest, sous condition de disposer d’au moins 500 mm d’eau par an (5 000 m3 par hectare). Nul doute que dans les calculs, il conviendra d’intégrer le risque pluviométrique qui constitue un facteur limitant pour tout prélèvement forestier.
Avant que nous soyons consultés officiellement à propos de ce projet de très grande ampleur, j’ai souhaité rendre publique mon analyse pour que personne ne puisse dire qu’il ne savait pas lorsque le processus de raréfaction de la ressource sera engagé dans quelques années. 
Très investi sur le sujet de la valorisation de la biomasse de proximité, je tiens à préciser que la commune de Chartres et le Syndicat intercommunal de la Conterie (11 communes) ont engagé un plan biomasse local. Celui-ci est destiné à développer la production en réalisant des plantations dans les propriétés communales de même que dans les secteurs urbanisés. Par exemple, sur la commune de Chartres de Bretagne, Le plan biomasse engage la Ville à boiser 2 hectares par an avec des essences productives strictement locales ; et ce durant les 15 prochaines années.
En outre, la commune réalise une plate forme de collecte / réception des bois en vue de les conditionner par broyage. Les matières ligneuses seront ensuite dédiées à la piscine de la Conterie et à la chaudière des serres communales. Précisons que la collectivité a lancé la construction d’un réseau de chaleur entre la Conterie, la future halle multifonctions et le centre culturel Pôle Sud. Ainsi, elle achètera l’énergie disponible auprès du syndicat de la Conterie ; ceci pour optimiser l’investissement grâce à l’usage de l’unité de combustion à sa charge nominale.
Les besoins annuels de la chaudière du syndicat intercommunal sont de 700 à 800 tonnes de bois chaque année ; ce qui représente un besoin d’exploitation forestière qui correspond à 200 hectares nets. Il convient de trouver ces superficies dans les 11 communes membres. Précisons que le « territoire Conterie » est supérieur à 20 000 Ha. Enfin, et bien évidemment, notre objectif n’est pas d’occuper des surfaces agricoles, mais de développer les massifs boisés dans les délaissés urbains et routiers.
Concernant les besoins thermiques des secteurs urbains densifiés, nous travaillons actuellement sur la recherche des gisements hydrogéologiques et géothermiques profonds (au delà de moins 500 m). La véritable, mais encore potentielle, alternative thermique réside dans de tels projets. La commune de Chartres de Bretagne et le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) se sont engagés dans cette voie de recherche depuis 2009. Il s’agit du programme CINERGY(*). Les résultats des forages et études nous permettront de revenir sur le sujet d’ici quelques mois.
                 Philippe Bonnin
 (*)Connaissance de la géologie profonde du bassin tertiaire Rennais à visée géothermique et hydrogéologique ; Avec le Soutien de l’Etat, la Région, l’Ille et Vilaine, Rennes Métropole et les Syndicats d’eau.

([1])Total des forêts de : Rennes, Liffré, le Pertre, Coëtquen, Fougères, Haute Sève, Mesnil, Montauban, Paimpont, Villecartier, Teillay, Rannée-la Guerche, Iffendic, Araize, Le Theil et Montfort.