jeudi 2 mars 2023

Fiscalité : la confusion générale pour nos finances communales

Dans le cadre de sa mission de conseil et d’information aux Maires, le Conseiller aux Décideurs Locaux ([1]) nous a communiqué un montant prévisionnel des ressources fiscales au début de février. Nous disposerons de la certitude des chiffres avant la fin mars.

Depuis la suppression de la Taxe d’Habitation et le transfert de la Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties (TFPB) des Départements au bénéfice des Communes, ces dernières n’ont plus que cette ressource pour leur garantir un minimum d’autonomie fiscale et donc budgétaire. Nous avons déjà communiqué sur ce sujet dans "Le Chartrain" de décembre 2022. La situation critique dans laquelle la commune de Chartres-de-Bretagne va très vite se retrouver, nécessite hélas que nous revenions de nouveau sur la question avec des chiffres maintenant plus précis.

Nous ne disposons donc plus que de cet impôt sur les propriétés bâties et à la marge la Taxe sur les Propriétés Non Bâties (TFPNB), soit 13 922 € pour 2023 et les 30 033 € de Taxe d’Habitation (TH) relatif aux quelques résidences secondaires présentes dans la Commune.

Les bases de Foncier Bâti en 2022 ont été de 16,247 M€ (millions d’euros). Le taux d’imposition étant de 33,31% ([2]), le produit a été de 5,412 M€. Il convient d’ajouter à ces chiffres la TFNB (12 098 €) et de TH (28 052 €) correspondant à l’année 2022, soit un produit fiscal de 5,452 M€. Pour 2023, les bases prévisionnelles communiquées concernant le Foncier Bâti sont de 17,117 M€ (+ 5,35 %). Avec le taux actuel de 33,31 %, le nouveau produit devrait être de 5,702 M€. De même, il convient d’adjoindre à ce chiffre la TFNB (13 922 €) et la TH (30 033 €) prévisionnelles pour l’année 2023 ; ce qui ferait un total de nos ressources fiscales de 5,746 M€.

La différence en plus est de 293 709 €. C’est une progression de + 5,39 %. Au seul titre du présent constat, il s’agirait d’une progression juste en deçà de l’inflation. Par contre, la réalité reste bien plus préoccupante, puisque les calculs ne s’arrêtent pas là ! En premier lieu, les exonérations fiscales successives depuis 13 ans concernant les entreprises ont conduit l’État à devoir compenser les pertes de ressources des communes.

À compter de 2010, date de l’abrogation de la Taxe Professionnelle, des dotations ont été allouées au titre de ce que le Ministère des Finances désigne par les acronymes DCRTP  et le FNGIR ([3]). Comme pour les années précédentes, la commune perçoit au titre de ces deux dispositifs 256 920 €. C'est un montant figé ...

Enfin, simultanément à la suppression de la Taxe d’Habitation, en 2021 ainsi que pour les suivantes, l’État a décidé de réduire de moitié (- 50 %) la valeur des bases du foncier bâti industriel. Afin d’assurer la "neutralité" des comptes pour les communes, il est alloué une compensation dite "Allocation compensatrice de la TFPB sur les locaux industriels". Son montant est évidemment très important à Chartres-de-Bretagne puisque les deux tiers des bases dans la commune concernent des locaux industriels ; principalement, à La Janais mais également à La Conterie avec Schneider Electric. Les bases globales de TFPB sont ainsi passées de 23,2 M€ en 2020 à 15,4 M€ en 2021 (- 34 % !). À ce titre, la commune a perçu en 2022 une "Allocation Compensatrice" de 2,794 M€. Selon les chiffres communiqués, elle ne serait que de 2,549 M€ en 2023. C’est une perte de 245 000 €. J’ai bien évidemment déjà demandé toutes les précisions qui justifiaient cette baisse significative à notre Conseiller aux Décideurs Locaux avant bien sûr d’engager une démarche auprès du Préfet et des Ministères concernés. Je rendrai public les réponses obtenues et prendrait les mesures qui s’imposeront alors.

Dans l’éditorial de décembre, j’avais présenté le sujet déjà fort compliqué d’un certain "coefficient correcteur" qui s’appliquait sur nos ressources relatives au produit des Taxes Foncières. L’objectif consistait à faire en sorte que le montant issu de l’ancienne Taxe Foncière départementale dont le taux jusqu’en 2020 était de 19,90 % (13,41 % pour la commune) ne dépasse pas la somme que nous percevions au titre de la Taxe d’Habitation jusqu’en 2020 ; soit 1 335 194 €.

C’est pour cela que dans la simulation qui s’appuie sur l’année de référence 2020, il convenait de prélever sur le produit global de Taxe Foncière [TFPB] (7,740 M€) un pourcentage de 42,4732 % (soit 3,288 M€). Cette enveloppe fiscale, bien payée par les contribuables propriétaires chartrains est reversée à un "fonds national de péréquation" ([4]). La commune ne gardait ainsi que 4,453 M€ ; c'est-à-dire 0,575268 (57,5268 %) des 7,740 M€ ; "0,575 268" étant désigné "Coefficient Correcteur". Tant qu’il n’y a pas de nouvelle loi qui pourrait changer ces règles, le Coefficient Correcteur reste identique.

Au terme de ces explications d’une complexité sans pareil, il faut surtout retenir que le produit de la Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties doit prendre en compte ou intégrer les Allocations Compensatrices de Taxe Foncière sur les bâtiments industriels de 2021.

Pour rappel, il s’agit d’une réduction de 50 % de la valeur des bases de Foncier Bâti Industriel.

Nous n’en sommes donc plus au simple calcul du produit des taxes Foncières (TFPB) brutes, tel que chacun aurait pu le présumer.

Ainsi, le résultat du produit fiscal de la commune devient donc le suivant :

(Produit des Taxes Foncières sur les Propriétés Bâties) + (Allocations Compensatrices des exonérations sur le Bâti industriel en 2021) x le Coefficient Correcteur = Produit de Foncier Bâti gardé par la commune.

En ajoutant les produits de Taxe d’Habitation sur les quelques résidences déclarées secondaires dans la commune et du Foncier non Bâti, de même que les autres dotations (DCRTP & FNGIR), nous obtenons les chiffres suivants :

Ø  Produit global de 2022 : 5,023 M€

Ø  Produit global de 2023 : 5,047 M€

La différence de ressources fiscales propres à notre commune entre les deux années qui nous concernent pour construire notre budget 2023 n’est donc plus que de 24 000 € ; soit + 0,49% ! alors que nous trouvions une différence de produits des Taxes brutes avant toutes ces "corrections" de 293 709 € (+ 5,39 %).

Il est possible que certains d’entre vous s’interrogent également sur un aussi faible écart entre 2022 et 2023 alors qu’il a été annoncé une revalorisation des bases du foncier bâti de 7,1 %. En réalité, cette revalorisation des bases ne concerne que le foncier résidentiel. Au 1er mars, nous n’avions pas encore confirmation d’une revalorisation du foncier bâti économique dont le pourcentage ne serait que de 1,1 %. Cette dernière question reste encore à confirmer.

Il était indispensable que toutes ces informations soient portées à votre connaissance. Du fait de ces multiples et incessantes réformes de la fiscalité communale, décidées par l’État lui-même, il est très clair que nous ne sommes plus en mesure de pouvoir maintenir le taux de fiscalité à son niveau actuel, ce d’autant que l’inflation pèse sur les comptes de la collectivité comme pour chacun d’entre nous. Celle-ci produit des ravages dans nos actuels modèles économiques.

Je précise que notre fiscalité est à ce jour la plus faible de la métropole rennaise. Nous n’avons pas l’intention d’aller au-delà de ce qu’il est nécessaire pour équilibrer nos comptes qui sont d’abord au service de tous les Chartrains.

Pour conclure, j’ajouterai que si encore les abattements fiscaux sur le foncier économique nous avaient permis d’assurer l’attractivité territoriale pour accueillir de nouvelles entreprises, très sincèrement, nous n’y aurions vu aucun inconvénient. Hélas, ce n’est ni le cas à Chartres-de-Bretagne, comme partout dans le pays. Nous concernant, il ne s’agit pas d’un point de vue de circonstance. Depuis plus d’une décennie, nous contestons, je conteste les politiques économiques en cours et particulièrement celles concernant l'industrie. Elles sont inopérantes dans la métropole locale et bien au-delà. D’ores et déjà, nous en subissons les pires conséquences sur le plan social. Sans chaînes de valeur qui s’appuient sur de réels moyens de production, il n’y a pas de développement économique durable. À cet égard, la commune de Chartres-de-Bretagne n’est pas une exception. Nous sommes aujourd’hui sévèrement touchés par cette incurie en matière de politique industrielle et même plus particulièrement, comme dans toutes les communes telles que la nôtre, façonnées par une histoire industrielle emblématique. Le jugement, ce sont les faits.

Philippe Bonnin, Maire



([1]) - Depuis la réforme des Trésoreries (anciennes Perceptions) qui a conduit à la fermeture fine 2022 de celle de Chartres de Bretagne. Le conseil aux Maires et Présidents de Syndicats intercommunaux est assuré par les Conseillers aux Décideurs Locaux. Ce sont des agents de l’État rattachés à la Direction Régionale des Finances Publiques (DRFiP).

([2]) - Ce taux de 33,31 % résulte de l’addition du taux communal de 13,41 % en 2020 avec de celui du Département de 19,90 %, également en 2020 ; 13,41 + 19,90 = 33,31.

([3]) - La DCRTP : Dotation de Compensation de la Réforme de la Taxe Professionnelle ; financée par l’État. Le FNGIR : Fonds National de Garantie Individuel de Ressources ; concernant également la suppression de la taxe professionnelle.

([4]) - Fonds destiné à compenser les communes dont le produit de Foncier Bâti départemental perçu sur la commune ne suffit pas à compenser la perte du produit de Taxe d’Habitation sur la dite même commune.5. Fonds utile pour compenser les communes dont le produit de Foncier Bâti départemental perçu sur la commune ne suffit pas à compenser la perte du produit de Taxe d’Habitation sur la même dite commune.