Le
problème de l’évasion fiscale est de la plus haute importance pour l’économie
nationale et plus. Les uns parlent de fraude, d’autres « d’habiles
pratiques d’optimisation fiscale » puisqu’il s’agit de jouer avec des lois
« perméables » à souhait. D’aucuns parleront de « lois complaisantes ».
Du 6 au
10 novembre 2017, nous sommes passés des révélations scandaleuses à la banalisation
de faits ordinaires. Au gré des jours, les meilleurs acteurs politiques en vue
dans toutes les sphères du pouvoir ont réussi à retourner la question pour en
faire un « non évènement » médiatique parfait … Pourtant, ce
sont quelques 300 milliards d’euros dissimulés ; évaporés ([1]) ! « Mondialisation oblige chers amis,
tout n’est assurément pas que profit national ! ».
Ainsi,
dans l’opacité abyssale du « non-droit » international, telle la
gangrène, les affaires prospèrent avec cette cupidité stupéfiante ; sans
retenue ! Certains n’y verront certainement qu’avantages …
La question des paradis fiscaux n’aurait donc
plus d’intérêt ou de connotation négative ? Choquant ! …
En réalité, c’est l’aveu d’un échec manifeste.
Pendant
ce temps, sans discontinuer, tous « ceux
qui ne sont rien » créent avec intelligence et de leurs propres mains la
valeur des milliards de biens et services produits chaque jour sur la planète.
Ce sont eux qui concourent à cette accumulation croissante d’excédents
financiers confisqués. Silencieux et méprisés, ils en sont d’ailleurs réduits à
regarder, ou plutôt subir l’implacable processus de dilapidation des ressources
et du fruit de leur travail dévalorisé.
Aujourd’hui,
le vaste pillage social et environnemental planétaire se gère
contradictoirement entre l’intérêt public, dit pour tous d’un côté et celui bien
compris des élites néolibérales de l’autre … Ce sont là nos « premiers de cordée », évidemment
flamboyants ; ces nouveaux « maîtres du Monde » !
C’est encore
la même manière de voir et de faire qui s’impose entre les possédants et les dominés
lorsque nos élites étincelantes se défaussent à souhait de leurs devoirs et responsabilités
devant :
· l’inéluctable
progression de la crise climatique dont ils portent l’essentiel de la responsabilité ;
certes collective ([2]) !
· devant l’augmentation
indécente de la précarité et des inégalités,
· ou encore face à
l’ampleur des dettes publiques irrécouvrables.
D’où vient la dette si ce n’est pour partie
de la dissimulation fiscale à grande échelle ?
La
dette publique n’est autre que la reprise à la charge de l’État des dettes
privées ; cet État qui en fait supporter le coût aux collectivités proches
des gens ; des citoyens modestes.
Nous
l’entendons de toutes parts, en 2017 l’impôt serait devenu la fausse bonne idée ;
l’idée d’un autre temps … Chacun voit bien pourquoi … Alors, ils nous
disent : « Osons la modernité, faisons
de la politique autrement » ! Tient donc, depuis 6 mois n’aurions
nous pas vu le changement avec cette belle et prétendue renaissance
démocratique, version macronienne, nationale et populaire ? …
Indéniablement, c’est tout le contraire. Nous voilà propulsé dans les affres d’un
19ème siècle mondialisé ! L’œuvre monumentale de Zola n’est jamais
bien loin.
Le changement n’est donc qu’un leurre de
communication …
Mais
chacun pourra très vite en établir les contours. Les politiques locales au plus
près de ceux qui ont le plus besoin de la solidarité collective pour grandir ou
survivre doivent être révisées … remises en cause !
Ainsi,
la « nouvelle politique » économique et sociale du régime néolibéral en
place se résume à la baisse arbitraire (thatchérienne !) de la dépense
publique. Une dépense publique pourtant considérée voici quelques décennies encore
comme le moteur de l’aménagement et de l’attractivité des territoires, le levier
déterminant pour soutenir les nécessaires investissements productifs, le
véritable outil au service de l’éducation et de la cohésion sociale. Sous le couvert
de sa pseudo-modernité, la « politique
faite autrement » du pouvoir : ce sont des sacrifices supplémentaires
demandés aux salariés et indépendants « ubérisés » pour « mieux attirer et optimiser
l’investissement productif » ; certes, parce qu’il nous faudrait créer
de nouveau le soi-disant « choc d’offre »
quantitatif comme qualitatif.
Mais aujourd’hui,
les résultats ou plutôt la conséquence ne souffrent d’aucune équivoque :
le désinvestissement s’amplifie de toutes parts ; les délocalisations
prospèrent comme rarement, le déficit du commerce extérieur se creuse ([3]) … comme la dette !
Les sacrifices demandés pour conforter cette superbe « déréglementation
compétitive » du travail occupé par les plus modestes : ce sont des
marges croissantes pour d’autres ; pour des bénéfices fiscalisés à minima (« light ! ») … mais
ailleurs ([4]) !
L’optimisation fiscale tourne ainsi à plein régime … Mais depuis ces 20
dernières années, jamais pour l’investissement et le développement du pays.
Finalement,
n’en serions-nous qu’au début d’un nouveau monde ? Mais pour qui et
pourquoi ? Serait-ce la nouvelle théorie vertueuse pour initier une
économie plus solidaire, plus circulaire, plus technologique ; pour une
crise climatique enfin maîtrisée, pour une société du véritable plein
emploi ; plus forte et plus juste ?
Derrière
le vernis séduisant du discours policé, c’est tout l’inverse.
Philippe Bonnin
Philippe Bonnin
([3]) - Commerce extérieur de la
France 2015 : - 45,2 milliards d’euros ; 2016 : - 48,4
milliards d’euros.
2017 :
- 21,3 milliards d’euros pour le 1er semestre contre
- 17,5 milliards d’euros pour le 1er semestre de 2016.
([4])
- « La fraude fiscale ferait perdre
à la France entre 60 et 100 milliards d’euros par an, selon différents
rapports. Soit un peu plus de 3% du PIB ». Entretien avec J.M. Monnier
- Université Panthéon-Sorbonne ; revue « Capital » - juin 2016.