Chartres de Bretagne, le 5
septembre 2014
La « métropolisation » ne doit pas affaiblir
la qualité des services mis en œuvre dans chacune de nos communes.
Nous commençons à
évaluer un peu plus clairement les effets de la loi de Modernisation de
l’Action Publique et d’Affirmation des Métropoles, plus communément désignée
sous le vocable « MAPAM ». Concrètement, elle devrait entrer en
application au 1er janvier 2015.
Ce texte publié
fin janvier 2014 ne s’inscrit d’aucune façon dans les projets communaux et
intercommunaux pour lesquels nous nous sommes toujours politiquement engagés à
Chartres de Bretagne, comme de toute évidence, dans bien d’autres communes.
Votée en plein climat de contestations venant de droite mais aussi de gauche à l’échelon
national comme local, le texte pourrait connaître encore quelques aménagements
complémentaires. Ils seront toutefois très limités.
Transferts de compétences : des économies qui
restent
plus que jamais à démonter.
Plusieurs
services, et non des moindres vont être transférés aux métropoles. Il s’agit de
l’entretien et des investissements sur la voirie communale, les réseaux d’eau
potable, d’eaux usées et pluviales, ainsi que de l’éclairage public.
Pour ce qui concerne
l’agglomération rennaise et certainement d’autres tel que Grenoble, ces
dispositions auront des conséquences importantes pour les collectivités comme
la nôtre. En effet, nous avons fait de la gestion du domaine public un enjeu
déterminant que sous-tend nos choix d’aménagements et plus encore de
développement durable. Pour notre municipalité, le niveau de service apporté dans
chacun de ces domaines relève d’une volonté politique inscrite en premier plan
dans l’action municipale. Elle tend à conforter une qualité de vie locale qui
nous est propre. Cette gestion très opérationnelle concoure au « mieux vivre
ensemble » à l’échelle de chacune de nos communes.
Sur le plan
budgétaire, il faut bien préciser que ce ne seront pas des charges en moins
puisque les budgets de nos communes connaîtront une baisse de leurs recettes
par prélèvements. Ils correspondront aux dépenses d’entretien et d’investissements
que les municipalités auraient engagés dans chacun de ces domaines. Certes, avec
la diversité des situations spécifiques à chaque collectivité, nous pourrions
assister très rapidement à des « aller-retour » quelque peu
singuliers : les métropoles délégant l’exécution de leurs nouvelles
responsabilités ou compétences aux communes qui en retour factureraient les
services à la Métropole … Mais sur quelles bases d’accords préalables
quant au niveau de prestations effectué ? Chacun appréciera la simplicité
de la méthode, tant administrative que financière et surtout lorsqu’on abordera
le sujet des obligations réglementaires des prestations de collectivité à
collectivité. En effet, elles seront très logiquement soumises aux règles d’appels
publics à la concurrence. A terme, la métropole devra mettre en place des
services en propre. Ils viendront doublonner les centres techniques communaux
qui d’ailleurs connaissent déjà les principes de la mutualisation à l’échelon local.
La fin des initiatives de proximité ?
En ce qui concerne
la coopération intercommunale de proximité, selon les textes les syndicats
intercommunaux d’assainissement « Val de Seiche » et d’eau potable de
la « Région Sud de Rennes » disparaîtront au 31 décembre 2014. Leurs
patrimoines seront de fait transférés à la métropole. Pour l’eau potable, nous
étions collectivement (les 10 communes
membres) à l’initiative de la toute nouvelle usine de production
de Champ Fleury à Bruz, mise en service fin 2013 ([1]). En
1999, nous avons créé à 5 communes le Syndicat d’assainissement Val de Seiche
et d’Ise. La station de traitement (32 000 équivalent - habitants)
a été mise en service fin 2005. Aujourd’hui, elle traite les eaux usées de 10
communes, ainsi que celles de l’usine chartraine de construction automobile PSA
depuis 2012.
Au début des
années 2000, il nous appartenait de prendre toutes nos responsabilités dans
chacun de ces domaines aussi déterminants pour l’environnement et le développement
respectif de nos communes. Ces sujets n’étaient à l’époque d’aucune façon
d’actualité dans les conseils de la communauté d’agglomération.
Depuis plus d’un
an, nous travaillons à l’extension de la station de traitement de Val Seiche et
d’Ise (passage à 50 000 équivalent- habitants). En outre, dans le cadre de
nos coopérations de proximité, nous avons également développé un programme de
cultures énergétiques (plan biomasse intercommunal) sur le site de la station.
Il s’agissait de concourir aux besoins thermiques de la piscine intercommunale
de la Conterie dans le contexte très volontariste de notre politique de
développement durable communale, comme intercommunale au Sud de Rennes
Métropole. Pour le syndicat d’eau, nous venons de prendre des décisions d’investissements
relatives à la sécurité sur le réseau de distribution qui répondent aux
attentes des collectivités membres. Nous avons bien évidemment informé Rennes Métropole
de ces décisions qu’elle va devoir reprendre à son compte. Ce sont des choix
d’investissements qui ne peuvent plus attendre si nous voulons rester en phase
avec l’évolution prochaine des normes écologiques et les principes de qualité d’un
service public performant.
Une autre approche de la démocratie locale.
Les agglomérations
métropolitaines sont aujourd’hui de plus en plus présentes dans notre quotidien.
Fortes de cette nouvelle assise institutionnelle conférée par la loi
« MAPAM », elles devront très vite démontrer qu’en favorisant la
concentration de la gestion des services et donc des pouvoirs locaux au
détriment des maires et leurs conseils municipaux, elles contribueront à la réduction
de la dépense publique ; entre autres grâce aux attentes d’économies
d’échelles … Vaste programme pour ceux qui voudraient nous démontrer que
les moyens et services de grande dimension auraient soudainement prouvé qu’ils
étaient devenus systématiquement plus performants et moins technocratiques !
Pour ce qui
concerne la démocratie de proximité, il est à craindre que les communes perdent
en capacité d’initiatives propres et d’autonomie pour répondre aux besoins de
leurs résidents. Aujourd’hui, le processus de substitution des pouvoirs locaux
par des instances plus éloignées des citoyens est en marche. Avec nombre d’élus
de nos territoires, nous entendons continuer à défendre la vision qui est la
nôtre de la coopération entre les communes à l’échelon local. Celle-ci démontre
bien souvent qu’elle a cette capacité à mettre en œuvre des projets moins
dispendieux, plus économes en fonctionnement et moins éloigné de la demande
sociale de nos concitoyens.
Tenir le cap sur les véritables enjeux
de la « métropolisation ».
A terme,
qu’apportera réellement cette nouvelle loi pour répondre à l’objectif affirmé
d’un nécessaire « rayonnement métropolitain d’échelle européenne » ?
De quels leviers souhaitons-nous efficacement doter nos territoires dans, comme
hors de la métropole pour relancer une économie qui soit réellement dynamique,
exportatrice et redistributrice de valeur ajoutée en la soutenant plus
efficacement ? C’est bien ainsi que doit s’organiser l’essentiel de nos
priorités d’agglomérations ; qu’il s’agisse de la dimension métropolitaine
ou non. Egalement, avec le département et la région, nous avons un seul
objectif stratégique qui consiste à relancer l’économie de la mobilité, de
l’habitat, ou encore de contribuer à régénérer le potentiel agricole et
agroalimentaire de l’Ouest. Grâce entre autres à nos contributions pour une
meilleure qualité des formations, nous soutenons tout autant les nouvelles technologies
dédiées aux mutations énergétiques, aux activités numériques, ainsi qu’à la
valorisation des ressources maritimes.
En tout état de
cause, nous devons rester mobilisés et particulièrement vigilants pour que le
débat ne soit définitivement clos autour de cette vision autant réductrice
qu’intégratrice de la « métropolisation ». Concernant la critique
quasi obsessionnelle sur la dépense publique, je note que dans une période
économique aussi critique, nos communes ont déjà largement anticipé la nécessité
de restreindre leurs charges par souci de bonne gestion. Elles l’ont toujours
fait en cherchant à préserver la qualité des services essentiels proposés aux habitants ;
des services qui nous permettent aussi de préserver le lien social dont on sait
combien il est vital en période de crise. Pour le court terme, il est à
craindre que l’application en l’état de cette loi génère autrement plus de
conflits entre élus et collectivités qu’elle suscitera d’idées et projets
nouveaux. Il s’agit bien de produire de nouvelles initiatives, plus économes en
ressources mais qui préserveront les enjeux de l’utilité sociale plutôt que
ceux du prestige. Il s’agit d’abord de faire preuve de bien plus d’imagination
qu’auparavant pour lancer toutes les initiatives indispensables et susceptibles
de concourir à nous extraire de la grave crise sociale que subissent les
classes moyennes et les catégories les plus modestes.
Très clairement,
nous ne pouvons accepter des projets aussi peu accomplis quant à leur vision
stratégique et qui de toute évidence divisent autrement plus qu’ils unissent
les acteurs publics locaux.
Philippe BONNIN,
Maire de Chartres de Bretagne,