samedi 6 septembre 2014

La « métropolisation » ne doit pas affaiblir la qualité des services mis en œuvre dans chacune de nos communes.




Chartres de Bretagne, le 5 septembre 2014

La « métropolisation » ne doit pas affaiblir la qualité des services mis en œuvre dans chacune de nos communes.

Nous commençons à évaluer un peu plus clairement les effets de la loi de Modernisation de l’Action Publique et d’Affirmation des Métropoles, plus communément désignée sous le vocable « MAPAM ». Concrètement, elle devrait entrer en application au 1er janvier 2015.
Ce texte publié fin janvier 2014 ne s’inscrit d’aucune façon dans les projets communaux et intercommunaux pour lesquels nous nous sommes toujours politiquement engagés à Chartres de Bretagne, comme de toute évidence, dans bien d’autres communes. Votée en plein climat de contestations venant de droite mais aussi de gauche à l’échelon national comme local, le texte pourrait connaître encore quelques aménagements complémentaires. Ils seront toutefois très limités.
Transferts de compétences : des économies qui restent
plus que jamais à démonter.
Plusieurs services, et non des moindres vont être transférés aux métropoles. Il s’agit de l’entretien et des investissements sur la voirie communale, les réseaux d’eau potable, d’eaux usées et pluviales, ainsi que de l’éclairage public.
Pour ce qui concerne l’agglomération rennaise et certainement d’autres tel que Grenoble, ces dispositions auront des conséquences importantes pour les collectivités comme la nôtre. En effet, nous avons fait de la gestion du domaine public un enjeu déterminant que sous-tend nos choix d’aménagements et plus encore de développement durable. Pour notre municipalité, le niveau de service apporté dans chacun de ces domaines relève d’une volonté politique inscrite en premier plan dans l’action municipale. Elle tend à conforter une qualité de vie locale qui nous est propre. Cette gestion très opérationnelle concoure au « mieux vivre ensemble » à l’échelle de chacune de nos communes.
Sur le plan budgétaire, il faut bien préciser que ce ne seront pas des charges en moins puisque les budgets de nos communes connaîtront une baisse de leurs recettes par prélèvements. Ils correspondront aux dépenses d’entretien et d’investissements que les municipalités auraient engagés dans chacun de ces domaines. Certes, avec la diversité des situations spécifiques à chaque collectivité, nous pourrions assister très rapidement à des « aller-retour » quelque peu singuliers : les métropoles délégant l’exécution de leurs nouvelles responsabilités ou compétences aux communes qui en retour factureraient les services à la Métropole … Mais sur quelles bases d’accords préalables quant au niveau de prestations effectué ? Chacun appréciera la simplicité de la méthode, tant administrative que financière et surtout lorsqu’on abordera le sujet des obligations réglementaires des prestations de collectivité à collectivité. En effet, elles seront très logiquement soumises aux règles d’appels publics à la concurrence. A terme, la métropole devra mettre en place des services en propre. Ils viendront doublonner les centres techniques communaux qui d’ailleurs connaissent déjà les principes de la mutualisation à l’échelon local.
La fin des initiatives de proximité ?
En ce qui concerne la coopération intercommunale de proximité, selon les textes les syndicats intercommunaux d’assainissement « Val de Seiche » et d’eau potable de la « Région Sud de Rennes » disparaîtront au 31 décembre 2014. Leurs patrimoines seront de fait transférés à la métropole. Pour l’eau potable, nous étions collectivement (les 10 communes membres) à l’initiative de la toute nouvelle usine de production de Champ Fleury à Bruz, mise en service fin 2013 ([1]). En 1999, nous avons créé à 5 communes le Syndicat d’assainissement Val de Seiche et d’Ise. La station de traitement (32 000 équivalent - habitants) a été mise en service fin 2005. Aujourd’hui, elle traite les eaux usées de 10 communes, ainsi que celles de l’usine chartraine de construction automobile PSA depuis 2012.
Au début des années 2000, il nous appartenait de prendre toutes nos responsabilités dans chacun de ces domaines aussi déterminants pour l’environnement et le développement respectif de nos communes. Ces sujets n’étaient à l’époque d’aucune façon d’actualité dans les conseils de la communauté d’agglomération.
Depuis plus d’un an, nous travaillons à l’extension de la station de traitement de Val Seiche et d’Ise (passage à 50 000 équivalent- habitants). En outre, dans le cadre de nos coopérations de proximité, nous avons également développé un programme de cultures énergétiques (plan biomasse intercommunal) sur le site de la station. Il s’agissait de concourir aux besoins thermiques de la piscine intercommunale de la Conterie dans le contexte très volontariste de notre politique de développement durable communale, comme intercommunale au Sud de Rennes Métropole. Pour le syndicat d’eau, nous venons de prendre des décisions d’investissements relatives à la sécurité sur le réseau de distribution qui répondent aux attentes des collectivités membres. Nous avons bien évidemment informé Rennes Métropole de ces décisions qu’elle va devoir reprendre à son compte. Ce sont des choix d’investissements qui ne peuvent plus attendre si nous voulons rester en phase avec l’évolution prochaine des normes écologiques et les principes de qualité d’un service public performant.
 Une autre approche de la démocratie locale.
Les agglomérations métropolitaines sont aujourd’hui de plus en plus présentes dans notre quotidien. Fortes de cette nouvelle assise institutionnelle conférée par la loi « MAPAM », elles devront très vite démontrer qu’en favorisant la concentration de la gestion des services et donc des pouvoirs locaux au détriment des maires et leurs conseils municipaux, elles contribueront à la réduction de la dépense publique ; entre autres grâce aux attentes d’économies d’échelles … Vaste programme pour ceux qui voudraient nous démontrer que les moyens et services de grande dimension auraient soudainement prouvé qu’ils étaient devenus systématiquement plus performants et moins technocratiques !
Pour ce qui concerne la démocratie de proximité, il est à craindre que les communes perdent en capacité d’initiatives propres et d’autonomie pour répondre aux besoins de leurs résidents. Aujourd’hui, le processus de substitution des pouvoirs locaux par des instances plus éloignées des citoyens est en marche. Avec nombre d’élus de nos territoires, nous entendons continuer à défendre la vision qui est la nôtre de la coopération entre les communes à l’échelon local. Celle-ci démontre bien souvent qu’elle a cette capacité à mettre en œuvre des projets moins dispendieux, plus économes en fonctionnement et moins éloigné de la demande sociale de nos concitoyens.
Tenir le cap sur les véritables enjeux
de la « métropolisation ».
A terme, qu’apportera réellement cette nouvelle loi pour répondre à l’objectif affirmé d’un nécessaire « rayonnement métropolitain d’échelle européenne » ? De quels leviers souhaitons-nous efficacement doter nos territoires dans, comme hors de la métropole pour relancer une économie qui soit réellement dynamique, exportatrice et redistributrice de valeur ajoutée en la soutenant plus efficacement ? C’est bien ainsi que doit s’organiser l’essentiel de nos priorités d’agglomérations ; qu’il s’agisse de la dimension métropolitaine ou non. Egalement, avec le département et la région, nous avons un seul objectif stratégique qui consiste à relancer l’économie de la mobilité, de l’habitat, ou encore de contribuer à régénérer le potentiel agricole et agroalimentaire de l’Ouest. Grâce entre autres à nos contributions pour une meilleure qualité des formations, nous soutenons tout autant les nouvelles technologies dédiées aux mutations énergétiques, aux activités numériques, ainsi qu’à la valorisation des ressources maritimes.
En tout état de cause, nous devons rester mobilisés et particulièrement vigilants pour que le débat ne soit définitivement clos autour de cette vision autant réductrice qu’intégratrice de la « métropolisation ». Concernant la critique quasi obsessionnelle sur la dépense publique, je note que dans une période économique aussi critique, nos communes ont déjà largement anticipé la nécessité de restreindre leurs charges par souci de bonne gestion. Elles l’ont toujours fait en cherchant à préserver la qualité des services essentiels proposés aux habitants ; des services qui nous permettent aussi de préserver le lien social dont on sait combien il est vital en période de crise. Pour le court terme, il est à craindre que l’application en l’état de cette loi génère autrement plus de conflits entre élus et collectivités qu’elle suscitera d’idées et projets nouveaux. Il s’agit bien de produire de nouvelles initiatives, plus économes en ressources mais qui préserveront les enjeux de l’utilité sociale plutôt que ceux du prestige. Il s’agit d’abord de faire preuve de bien plus d’imagination qu’auparavant pour lancer toutes les initiatives indispensables et susceptibles de concourir à nous extraire de la grave crise sociale que subissent les classes moyennes et les catégories les plus modestes.
Très clairement, nous ne pouvons accepter des projets aussi peu accomplis quant à leur vision stratégique et qui de toute évidence divisent autrement plus qu’ils unissent les acteurs publics locaux.
Philippe BONNIN,
Maire de Chartres de Bretagne,


([1]) Réalisation inscrite dans notre projet politique communal de 2008 - 2014 et réalisé en étroite coopération technique et financière avec le Syndicat Mixte de Production d’eau potable du Bassin Rennais – SMPBR –.