samedi 21 juin 2014

L'avenir compromis de très grandes usines automobiles en France



 Le relatif redressement commercial des marques automobiles françaises ne doit pas faire oublier l’accumulation de nuages sur plusieurs usines en France… dont la Janais à Chartres de Bretagne, ainsi que les sous-traitants Bretilliens.
 Chartres de Bretagne, le 20 juin 2014

Les récentes décisions de la direction du groupe PSA ne font que confirmer nos interrogations et inquiétudes sur l’avenir des établissements de la Janais à Chartres de Bretagne.
Dès la fin 2013, nous savions que l’annonce d’un nouveau véhicule (P87 ou future 5008) n’était qu’un « projet à minima ». En effet, le potentiel commercial ne dépassera guère les 70 000 véhicules en première année de fabrication. Pour cela, il convient de se référer aux volumes réalisés à Sochaux lors du 1er lancement de 2010. En outre, nombre d’ensembles constitutifs du véhicule viendront de l’usine Franc-comtoise et d’autres sous-traitants extérieurs aux régions de l’Ouest. De ce fait, le niveau des investissements projetés au sein de l’usine reste très limité. Dans ces conditions, force est de constater que la sous-traitance locale ne connaitra pour ainsi dire pas de retombées significatives. S’il faut encore s’en convaincre, il suffit de rappeler l’importante réduction des moyens de production et d’effectifs dans les usines Faurecia de Bains-sur-Oust et Crevin, Cooper Standard ou encore Bretagne Ateliers. Pour la seconde année consécutive, fin septembre 2014 nous arriverons à plus de 600 000 heures de chômage indemnisé. Ce sont autant de contributions publiques pour la seule usine de la Janais, soit plus de 10 millions d’euros sur une année. Dans ces conditions, qu’on ne nous parle pas de rentabilité ou de performance alors que le groupe restera pour des années sous perfusion financière, grâce à l’apport massif de fonds publics et pas seulement pour l’usine de la Janais.

Une nouvelle alerte des plus symptomatiques nous est arrivée la semaine passée avec l’annonce d’investissements à Sausheim près de Mulhouse (300 millions d’euros). En réalité, il s’agit d’une dépêche de Reuters, largement reprise et non démentie depuis, précise qu’il s’agit de transférer la fabrication de la future 508 en Alsace. Puisqu’on nous a déjà annoncé la fin de la Citroën C5 à la Janais pour une destination, tantôt en Chine puis un autre jour à Mulhouse, autant dire que l’assemblage des véhicules du « segment D » des grosses berlines de moyen - haut de gamme dont l’usine de Chartres avait acquis la notoriété dans les années 2000, disparaît définitivement.
En tout état de cause, dès 2017 la direction du groupe, quasi nationalisé aux couleurs franco-chinoises pourra annoncer sans coup férir la fermeture de l’établissement, faute de volumes à fabriquer. Les responsables publics, comme ceux de la firme elle-même auront ainsi beau jeu de justifier cette décision après avoir privé d’investissements significatifs la Janais depuis 15 ans. Dès la première phase de la grande crise économique de 2008, le contexte aurait pu justifier de nouveaux choix technologiques et le redéploiement des moyens industriels, tel que nous l’avons vu dans d’autres pays. Nous nous sommes déjà largement étendus à ce sujet avec les contributions des collectivités membres de l’ACSIA.
Est-il encore nécessaire de rappeler qu’en 2017, l’engagement de ne pas fermer de sites en France après Aulnay sera levé ? En effet, c’est une posture qui reste lié aux accords de compétitivité signés le 24 octobre 2013.
Le 20 mars 2014, j’avais présenté mon analyse et nos propositions aux conseillers économiques du Président de la République pour explorer une stratégie de coopération industrielle nouvelle à la Janais. En présence de la Députée Marie-Anne Chapdelaine et du Président du Conseil Général Jean-Louis Tourenne, un engagement avait été pris pour introduire notre approche auprès du nouveau Président du Conseil de surveillance, Monsieur Louis Gallois, représentant des intérêts nationaux chez le constructeur. Nous attendons toujours la proposition d’une rencontre alors qu’aucun signe positif n’est perceptible quant à l’avenir du site.
Hormis le sauvetage du groupe, quelle stratégie industrielle nous propose l’Etat en matière de filière automobile et plus globalement de mobilité ?
Pourtant, la commune renforce son attractivité fiscale déjà conséquente, en bénéficiant aujourd’hui de toutes les attentions dans le cadre du pacte d’avenir pour la Bretagne et de dispositions d’aides européennes en matière de soutien à l’économie productive…

Je constate une fois de plus que sans une solide mobilisation des élus et de tous les acteurs économiques et sociaux du territoire, l’hémorragie des emplois industriels dans le bassin rennais, comme en Ille et Vilaine va se poursuivre. C’est une situation totalement inacceptable et qui ne peut plus laisser indifférent les décideurs locaux.
Nous allons proposer des initiatives dans ce sens.

Philippe Bonnin,
Maire de Chartres de Bretagne
Vice-président du Conseil Général