vendredi 1 juin 2012

Lettre aux Ministres de l'Economie et du Redresssement Productif

Chartres de Bretagne, le 31 mai 2012
Monsieur le Ministre de l’Économie, des Finances et du Commerce Extérieur,
Monsieur le Ministre du Redressement Productif,

La commune de Chartres de Bretagne accueille près de Rennes les usines PSA (ex-Citroën) construites entre 1958 et 1960.
Dans les années 70, cet établissement a compté jusqu’à 14 000 salariés. Comme pour toute la filière automobile française, le déclin a débuté dans les années 2004 - 2005. Nous sommes passés d’un effectif de 11 600 personnes en 2006 à 5 800 aujourd’hui. Dans le même temps, les emplois directs concernés par la construction automobile en Ille-et-Vilaine ont chuté de 25 000 à 13 000 (sous-traitants et sociétés de services compris).

Pour des raisons différentes de celles des usines PSA d’Aulnay et Hordain, le site chartrain voit maintenant ses perspectives d’avenir s’assombrir au gré des semaines. Les multiples dépêches de presse attestent de cet état de fait.
L’établissement de Chartres est spécialisé sur le segment des véhicules qui correspondent aux gammes supérieures du groupe PSA (C5 Citroën et 508 Peugeot). Depuis octobre 2011, la baisse de charge conduit à l’enchaînement des jours chômés ; 32 jours précisément depuis octobre 2011.
Ce jeudi 31 mai 2012, la direction locale va annoncer la fin de l’équipe de nuit.
La gravité de la situation dans laquelle se trouve l’usine me conduit par conséquent à solliciter un entretien dans les meilleurs délais et naturellement à votre convenance.
A cette date, le projet d’alliance capitalistique en discussion avec GM – Opel n’apporte aucune nouvelle rassurante ; bien au contraire. Le départ pour l’Allemagne (Russelsheim près de Francfort) de la remplaçante de la C5 en 2015 est annoncé depuis quelques jours. Tout montre que la contrepartie consistant en l’annonce d’une fabrication sous la marque Opel (Zafira ?) n’est pas acquise. Ce choix à sens unique montre également la réelle difficulté du groupe français à faire valoir la performance technologique de son outil industriel d’Ille et Vilaine. A terme, celui-ci perdrait les fabrications porteuses des références de la qualité du « made in France » et qui seraient par conséquent délocalisées en Allemagne.
Au-delà de la prise de participation de General Motors dans PSA Peugeot-Citroën, les experts n’hésitent plus à souligner que l’alliance PSA-GM n’est d’aucune manière équilibrée et qu’elle fait craindre le pire pour l’avenir du site France de l’automobile.
A ce jour, je constate que seule la sollicitude du gouvernement britannique pour relancer sa propre industrie automobile donne très clairement ses premiers résultats pour les usines GM d’outre Manche (Vauxhall) à Ellesmere Port entre autres. La déclaration du premier Ministre Britannique, David Cameron qui se félicite d'un excellent « travail d'équipe» entre son gouvernement et GM-Vauxhall (Source Bloomberg le 17 mai) montre explicitement ce que sont les stratégies de GM ; particulièrement attentives aux soutiens des pouvoirs publics anglais.
Comme indiqué par Reuters le 24 mai : « le départ d'Allemagne de l'Astra vers Ellesmere Port rend plus difficile encore le transfert de la production d'autres modèles Opel ; cette fois vers l'Hexagone ». Enfin, selon Barclays Capital, « la décision de GM souligne la volonté actuelle de prendre des décisions difficiles, quitte à aboutir à davantage de confrontations entre les deux partenaires (GM-PSA) sur leurs marchés nationaux"…
L’actuelle fragilité du Groupe PSA Peugeot-Citroën l’a contraint à se tourner vers un type de partenariat qu’il rejetait sur le fond comme sur la forme voici quelques mois encore. Il s’en tenait alors seulement au développement de coopérations techniques dont les résultats paraissaient satisfaisants dans un contexte économique hors crise généralisée.
Dans ce secteur particulièrement sinistré, seul l’Etat peut trouver les réponses qui s’imposent. Des milliers d’emplois sont en jeu et c’est de notre devoir partagé de tout mettre en œuvre pour les pérenniser et redonner le dynamisme dont a besoin la filière nationale de l’automobile.
Dans l’attente de notre rencontre, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre de l’Économie, Monsieur le Ministre du Redressement productif, en l’expression de ma très haute considération.
                                                                             Philippe Bonnin