Lors des élections municipales de mars 2014, tous les
élus communaux ont été pris de court, suite à l’application de la loi de
« métropolisation », le 27 janvier 2014. L’objectif du Gouvernement
de l’époque était sans ambiguïté : au non d’une « rationalité
financière » des plus datées « les
métropoles doivent se substituer aux communes pour la gestion des
infrastructures de proximité, telles que la voirie et les réseaux ; mais également
l’économie, l’aménagement, l’habitat et l’environnement ».
Nul
ne l’ignore, toutes les décisions prises dans ces lieux de pouvoirs concentrés
entre les mains de quelques uns ([1]) permettent aux « décideurs »
de prendre de la distance avec les populations et leurs espaces de vie, comme
de débats … C’est ainsi qu’on achève la démocratie.
Issues
de la révolution française, les communes demeurent l’un des échelons privilégiés
pour garantir le nécessaire dialogue entre tous. C’est un acquis majeur qui s’inscrit
dans l’histoire de la démocratie républicaine ; en opposition à
l’organisation monarchique et descendante antérieure.
Trois
ans plus tard, un constat s’impose : les institutions métropolitaines
sous-tendent une approche de la gouvernance qui tourne le dos à notre
conception de la modernité, tant en matière sociale, politique qu’économique. Si
parler de « métropole » renvoie d’abord à la souveraineté sans
partage des cités grecques sur leurs colonies d’outremer, ce vocable reste tout
autant lié à l’histoire coloniale des 19ème et 20ème
siècles. En pareille situation, ce serait une lourde erreur de mésestimer l’étymologie
de mots qu’on utilise à souhait avec ce qu’ils peuvent induire de
significations ambivalentes.
Le « processus
vertueux » de la métropolisation, sensé conforter les « théories du
ruissellement » ([2]) dont se prévalent encore les
élites politiques, s’apparente le plus souvent à une forme de régression
démocratique qui différencie les pôles de prospérité des espaces périphériques,
pourvoyeurs de moyens et de main d’œuvre à bas coût ; les
« sous-zones ». Il est contestable d’accepter l’expansion d’un tel
modèle d’organisation spatial, comme de gouvernance en l’absence d’évaluation
préalable de la situation créée à l’échelle des territoires concernés, comme du
pays.
Nul
ne peut l’ignorer, pour le « citoyen ordinaire », la métropole c’est
d’abord une autorité de subordination non choisie, autrement plus administrative,
technocratique, voire illisible. Ce modèle est parfaitement contraire à l’esprit
de la coopération.
À
l’heure actuelle, nous sommes constamment confrontés à la rigidité des nouveaux
modes d’exercice du pouvoir entre cooptés. Ils sont en total décalage avec la « pratique
collaborative et citoyenne » développée dans nos communes ; certes toutes
différentes de par la géographie, l’histoire, leur développement et leur
organisation humaine.
Pour
autant, ce n’est nullement un obstacle à la coopération intercommunale.
L’esprit de la coopération choisie est une richesse,
forte de complémentarités lorsqu’on partage les mêmes objectifs ou valeurs :
la cohésion sociale et le « vivre ensemble ».
Par essence, la « recentralisation-concentration »
en cours s’oppose à l’expression de la créativité dont chacun doit légitimement
disposer. Il s’agit là d’un authentique débat de modernité (« nouveau monde » !), telle que nous la concevons.
À cet égard, il est regrettable que nombre de « décideurs » ne le comprennent
pas, ou plutôt ne le comprendront jamais … à moins que ce soit l’adoption
d’une posture de principe pour ignorer le quotidien de la vie locale ; celui
des plus modestes, des gens « d’en bas » …
Ce mode de gouvernance verticale est d’autant plus
paradoxal que dans les faits, les nouvelles technologies dont on promeut nombre
d’avantages significatifs offriront certainement plus de solutions ingénieuses
pour mieux gérer l’échelon de la proximité.
Il importe que s’organisent enfin d’autres conceptions du
service public, plus collaboratives et réactives ; qui intègrent
l’innovation pour le bien du plus grand nombre. En outre, je note que la
plupart des projets vertueux destinés à la sauvegarde de la planète empruntent déjà
cette voie lorsqu’il s’agit de développer des solutions locales ; certes parfois
complexes mais tellement plus riches de leur diversité. D’ailleurs, n’est-ce
pas le plus souvent la raison d’être de ces « jeunes pousses » investies
dans les services et qu’on appelle de nos jours « Start Up » ?
Concernant
la métropolisation actuelle : au-delà de sa contre performance sociale ([3]) et financière, la
construction d’une autre approche de l’intercommunalité doit enfin s’affirmer ;
plus libre et plus coopérative. Tel que d’autres analyses extérieures à la
présente contribution le développement également, il semble bien que nous
sommes au bord d’une rupture à haut risques entre « le citoyen » et le
cercle de ces élites recluses dans leurs cercles de pouvoirs.
Il
convient d’envisager l’avenir autrement, avec une conception alternative du
développement économique, écologique et social durable.
L’avenir
est à la déconcentration des pouvoirs au bénéfice des proximités, à l’agilité
opérationnelle des moyens et des services pour le meilleur soutien à
l’intégration de tous. Ceci ne veut certainement pas dire qu’il doit y avoir
une absence de coopération, comme de mutualisation des moyens chaque fois que
nécessaire. En effet, il nous faut très naturellement et intelligemment
configurer les services à la bonne échelle, hors des hégémonies métropolitaines,
trop distantes ; impersonnelles.
Lors
de ces deux dernières décennies, nous n’avons pas manqué de prendre des
initiatives adaptées au contexte d’une coopération intercommunale choisie. Ce
n’est pas seulement une question d’économies de moyens, c’est un enjeu de
qualité des services à la population.
La
coopération fondée sur des relations de confiance,
nourrit bien d’autres conceptions de la démocratie participative. C’est un état
d’esprit très différent de ces modèles centralisateurs, intégrateurs et qui
usent de la communication jusqu’à la manipulation ; toujours avec force de
moyens budgétaires disproportionnés.
De combien de temps nous reste t-il pour changer de
modèle ?
Philippe Bonnin,
Maire de Chartres de Bretagne
Conseiller Départemental
Philippe Bonnin,
Maire de Chartres de Bretagne
Conseiller Départemental