mercredi 30 août 2017

Une rentrée très difficile.

Une rentrée très difficile pour nos communes et les trois quarts des français. Que reste t-il des espoirs de mai ?
         
Point de vue

Philippe Bonnin
Maire de Chartres de Bretagne, Conseiller Départemental ([1]).

Les élections du premier semestre 2017 sont maintenant derrière nous. Dès les mois de juillet et août, nous sommes entrés dans « le concret » avec nombre d’annonces gouvernementales, toutes aussi intempestives que contradictoires.
Les conséquences vont être particulièrement difficiles à assumer dans les communes ; en particulier pour les populations les plus modestes et précaires :
Familles, étudiants, chômeurs, retraités aux carrières brisées par tant d’années de crises persistantes.
Ainsi, la nouvelle gouvernance française a décidé d’amplifier la politique territoriale de « rupture ». Rien de bien surprenant à cela, puisqu’elle s’inscrit dans le droit fil des mesures prises par les précédents gouvernements : 
  • Limitation, voire suppression des ressources en propre des collectivités locales,
  • amplification du mouvement de recentralisation …
À mots tout juste couverts, on nous prépare à la poursuite du démantèlement des missions communales et départementales … Ainsi, au gré d’un enchaînement de déclarations des plus iconoclastes et grossières, les nouveaux dirigeants nous laissent volontiers entendre que les politiques de proximité ne sont plus inscrites dans l’agenda gouvernemental.
En privant de moyens ces politiques, ils engagent le pays dans un processus de régression irréversible de la démocratie locale ; en particulier communale, mais aussi cantonale ou départementale. Est-ce donc par déni de tout ce qui fait notre culture républicaine de la citoyenneté dans la cité ? … depuis deux siècles !
Ni les constructions métropolitaines aux périmètres aléatoires, si ce n’est arbitraires, ni ces régions recomposées, puis dotées de compétences très extensives ne seront à la hauteur pour relever les nombreux défis qui découlent de la demande sociale sous tension depuis des décennies. Celle-ci est en constante progression, puisqu’elle est corrélée avec la précarité croissante d’une fraction très majoritaire de la population. Élus mais également nombre d’acteurs associatifs, nous avons un devoir de réponse.
Jusqu’à maintenant, communes et départements ont assuré cette mission historique qui consiste à garantir l’accès de tous à l’éducation et à préserver l’indispensable cohésion sociale.
Qu’on ne s’y trompe plus, comme pour la baisse des Aides Personnalisées au Logement (APL) qui impacte les plus modestes, l’affaiblissement des communes, mais également des départements fragilise un peu plus les français aux ressources insuffisantes pour vivre décemment.
Depuis des mois, nous dénonçons ces décisions non concertées du pouvoir. Elles ne respectent plus les élus communaux et départementaux ; pratiquement mis sous la tutelle d’institutions déconnectées des citoyens. Sans la moindre précaution, leur légitimité démocratique est fondamentalement dépréciée.

Revenons-en aux changements politiques de ces derniers mois. Le bilan de cette majorité sans réel fil conducteur, néolibérale et socialement rétrograde est déjà en situation d’échec politique et social. Dérégulation, dépréciation des emplois subalternes et manuels, précarité et apologie des élites, tel se manifeste cette nouvelle pensée politique (jupitérienne ?).

Ces nuages qui montent déjà depuis des semaines.

Le régime de mai, comme le précédent ne répond d’aucune manière à notre conception de la solidarité territoriale telle que portée par nos collectivités de proximité. Bien plus encore que le hollandisme passé, il néglige tout intérêt pour l’esprit de la coopération positive et solidaire entre nos instances au plus prêt des gens, véritables ciments de la cohésion sociale.
Nous dénonçons catégoriquement cette conception de l’intégration autoritaire … Verticale ! D’autant plus que de tels modèles de gouvernance n’ont nulle part ailleurs démontré leur pertinence, ni donné les résultats promis en termes d’économies budgétaires. Entre ces deux visions : la coopération choisie ou l’intégration autoritaire, il y a un fossé culturel que je n’ai jamais franchi. D’autres l’ont fait … Demain, il leur appartiendra d’assumer leur choix lorsque la crise démocratique ressurgira à nouveau.

Durant toutes les années 80 et 90 de la décentralisation, les acteurs publics ont conduit des initiatives courageuses pour réaliser des équipements et des services qui ont assuré la solidarité, l’aménagement et bien sûr l’attractivité exceptionnelle de nos communes et territoires départementaux. Toute la France et les français y ont gagné !
À la suite du changement politique de mai 2017, cette conception de la démocratie territoriale est-elle toujours d’actualité ? La réponse ne souffre d’aucune réserve.
En réalité, la contre-réforme en cours détruit tout le sens d’une économie à reconstruire ; une économie qui se doit d’être en priorité au service de l’homme. Clairement, nous n’avons plus d’autre choix que de l’inscrire dans cette perspective incontournable qui consiste à préserver la planète et donc l’humanité. D’ailleurs, humanisme et préservation de la planète d’une part et néolibéralisme brutal d’autre part, sont-ils réellement compatibles ?
Ce qu’on nous propose aujourd’hui corrobore tout ce que représente une communication sans véritable projet stratégique ; sans ligne de pensée sociale et environnementale cohérente.
La société, comme l’économie au service du bien commun ne peuvent plus se traiter ainsi. Après des décennies de décisions politiques et économiques erratiques, elles sont devenues bien trop fragiles.
La solidarité est une priorité en démocratie ; l’oublier pourrait nous coûter particulièrement cher dans les prochaines années en termes de cohésion sociale. L’onde de choc de la « supernova » passée, que restera t-il des vraies valeurs fondatrices de la République de 1792 ?
Il nous faut reconstruire, mais pas comme certains on cru le percevoir au travers de ce mouvement éphémère de mai.
Le 30 août 2017
https://pdf.lu/pZGC/


([1]) - Conseiller départemental indépendant ; Ancien Vice président à l’économie, l’emploi, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation.