Point de vue
Philippe Bonnin
Maire de Chartres de Bretagne, Conseiller
Départemental ([1]).
Les élections du premier semestre 2017 sont maintenant derrière nous. Dès les mois de juillet et août, nous sommes entrés dans « le concret » avec nombre d’annonces gouvernementales, toutes aussi intempestives que contradictoires.
Les conséquences vont être particulièrement difficiles à assumer dans les communes ; en particulier pour les populations les plus modestes et précaires :
Familles, étudiants, chômeurs,
retraités aux carrières brisées par tant d’années de crises persistantes.
Ainsi, la nouvelle gouvernance
française a décidé d’amplifier la politique territoriale de
« rupture ». Rien de bien surprenant à cela, puisqu’elle s’inscrit
dans le droit fil des mesures prises par les précédents gouvernements :
- Limitation, voire suppression des ressources en propre des collectivités locales,
- amplification du mouvement de recentralisation …
À mots tout juste couverts, on
nous prépare à la poursuite du démantèlement des missions communales et
départementales … Ainsi, au gré d’un enchaînement de déclarations des plus
iconoclastes et grossières, les nouveaux dirigeants nous laissent volontiers
entendre que les politiques de proximité ne sont plus inscrites dans l’agenda
gouvernemental.
En privant de moyens ces
politiques, ils engagent le pays dans un processus de régression irréversible de
la démocratie locale ; en particulier communale, mais aussi cantonale ou
départementale. Est-ce donc par déni de tout ce qui fait notre culture
républicaine de la citoyenneté dans la cité ? … depuis deux siècles !
Ni les constructions
métropolitaines aux périmètres aléatoires, si ce n’est arbitraires, ni ces
régions recomposées, puis dotées de compétences très extensives ne seront à la
hauteur pour relever les nombreux défis qui découlent de la demande sociale
sous tension depuis des décennies. Celle-ci est en constante progression,
puisqu’elle est corrélée avec la précarité croissante d’une fraction très majoritaire
de la population. Élus mais également nombre d’acteurs associatifs, nous avons
un devoir de réponse.
Jusqu’à maintenant, communes et
départements ont assuré cette mission historique qui consiste à garantir
l’accès de tous à l’éducation et à préserver l’indispensable cohésion sociale.
Qu’on ne s’y trompe plus, comme
pour la baisse des Aides Personnalisées au Logement (APL) qui impacte les plus
modestes, l’affaiblissement des communes, mais également des départements
fragilise un peu plus les français aux ressources insuffisantes pour vivre
décemment.
Depuis des mois, nous dénonçons
ces décisions non concertées du pouvoir. Elles ne respectent plus les élus
communaux et départementaux ; pratiquement mis sous la tutelle
d’institutions déconnectées des citoyens. Sans la moindre précaution, leur
légitimité démocratique est fondamentalement dépréciée.
Revenons-en aux changements
politiques de ces derniers mois. Le bilan de cette majorité sans réel fil
conducteur, néolibérale et socialement rétrograde est déjà en situation d’échec
politique et social. Dérégulation, dépréciation des emplois subalternes et
manuels, précarité et apologie des élites, tel se manifeste cette nouvelle
pensée politique (jupitérienne ?).
Ces
nuages qui montent déjà depuis des semaines.
Le régime de mai, comme le
précédent ne répond d’aucune manière à notre conception de la solidarité
territoriale telle que portée par nos collectivités de proximité. Bien plus
encore que le hollandisme passé, il néglige tout intérêt pour l’esprit de la coopération
positive et solidaire entre nos instances au plus prêt des gens, véritables ciments
de la cohésion sociale.
Nous dénonçons catégoriquement
cette conception de l’intégration autoritaire … Verticale ! D’autant
plus que de tels modèles de gouvernance n’ont nulle part ailleurs démontré leur
pertinence, ni donné les résultats promis en termes d’économies budgétaires.
Entre ces deux visions : la coopération choisie ou l’intégration
autoritaire, il y a un fossé culturel que je n’ai jamais franchi. D’autres
l’ont fait … Demain, il leur appartiendra d’assumer leur choix lorsque la
crise démocratique ressurgira à nouveau.
Durant toutes les années 80 et
90 de la décentralisation, les acteurs publics ont conduit des initiatives
courageuses pour réaliser des équipements et des services qui ont assuré la
solidarité, l’aménagement et bien sûr l’attractivité exceptionnelle de nos
communes et territoires départementaux. Toute la France et les français y ont
gagné !
À la suite du changement
politique de mai 2017, cette conception de la démocratie territoriale est-elle
toujours d’actualité ? La réponse ne souffre d’aucune réserve.
En réalité, la contre-réforme
en cours détruit tout le sens d’une économie à reconstruire ; une économie
qui se doit d’être en priorité au service de l’homme. Clairement, nous n’avons
plus d’autre choix que de l’inscrire dans cette
perspective incontournable qui consiste à préserver la planète et donc
l’humanité. D’ailleurs, humanisme et préservation de la planète d’une part et
néolibéralisme brutal d’autre part, sont-ils réellement compatibles ?
Ce qu’on nous propose
aujourd’hui corrobore tout ce que représente une communication sans véritable
projet stratégique ; sans ligne de pensée sociale et environnementale
cohérente.
La société, comme l’économie au
service du bien commun ne peuvent plus se traiter ainsi. Après des décennies de
décisions politiques et économiques erratiques, elles sont devenues bien trop
fragiles.
La solidarité est une priorité
en démocratie ; l’oublier pourrait nous coûter particulièrement cher dans
les prochaines années en termes de cohésion sociale. L’onde de choc de la « supernova »
passée, que restera t-il des vraies valeurs fondatrices de la République de
1792 ?
Il nous faut reconstruire, mais
pas comme certains on cru le percevoir au travers de ce mouvement éphémère de
mai.
Le 30 août 2017
https://pdf.lu/pZGC/
([1])
- Conseiller départemental indépendant ; Ancien
Vice président à l’économie, l’emploi, l’enseignement supérieur, la recherche
et l’innovation.