Le cas de la construction automobile. Contribution
Voici 12 ans, L’Association des Collectivités Sites d’Industrie Automobile (ACSIA), publiait une contribution au sujet des pistes d’avenir pour la filière automobile en France : « Enrayer le déclin du site automobile France ». La crise financière internationale de 2008 - 2009 avait mis à l’arrêt les usines de construction automobile en Europe.
Nous en appelions à un État stratège, capable d'anticiper ce que serait l’avenir de la mobilité. Nous attendions également un État qui soit en mesure de promouvoir des politiques de soutien aux investissements dédiés à la performance technologique des moyens de production. En effet, notre compétitivité se gagne toujours par l’innovation. Elle permet d’agir face à la concurrence tant en termes de qualité que de prix. Quels résultats en tirer aujourd'hui ? Ils n'inspirent que réserves et interrogations. Certes, les abondements publics ont permis le sauvetage, du premier groupe français et dix ans plus tard du second ... Les milliards injectés en capital et les cautions de l’État pour obtenir les crédits de trésorerie ont assuré les redressements financiers. Pour autant, il y eut à suivre les restructurations d’établissements, les fermetures et délocalisations.
Durant toute cette période, d’autres pays se sont dotés de capacités industrielles impressionnantes. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les statistiques. En 2008, La production française de véhicules était de 2,5 millions contre 70 dans le Monde. Nous étions au 7ème rang. En 2024, seulement 1,3 million de véhicules ont été fabriqués en France sur les 85 millions produits dans le Monde (12ème rang) ([1]). Durant cette même période, nous avons perdu quelques 10 000 emplois sur le site de construction automobile de la commune de Chartres de Bretagne. Évidemment, ce fut un choc en Ille et Vilaine et pour les Départements les plus proches d’où venaient également les salariés.
Que faut-il retenir ? La France aurait pu se prémunir de l’accès aux ressources stratégiques destinées à répondre aux défis des énergies alternatives, accorder les crédits d’impôts recherche sous la seule condition d’investir dans nos territoires pour en tirer l’avantage attendu avec de nouveaux process techniques de fabrication.
Il s’agissait ainsi de consolider l’écosystème de la Recherche et Développement (R & D) avec l’objectif de gagner en productivité, de préserver l’environnement et faire évoluer les conditions de travail. En outre, sommes-nous allés suffisamment loin dans les politiques de formation technique et scientifique des nouvelles générations ?
Plus aujourd’hui qu’hier encore, il s’agit d’élever la question de la réindustrialisation au rang de priorité nationale et d’adapter les emplois et les compétences en conséquence.
Le monde est déstabilisé comme jamais depuis 80 ans. L’État et nos collectivités sont confrontés à des finances exsangues du fait de l’affaiblissement de l’économie productive et de choix contestables en matière d’exonérations de contributions [CICE ([2]) par exemple] qui ont profité à des secteurs peu exposés à la concurrence sur les marchés internationaux. Sans nul doute, une redéfinition lucide et courageuse des trajectoires économiques s’impose dans l’urgence. Faits et chiffres à l’appui, les décennies de délocalisations et dérégulations quasi idéologiques des marchés ont induit une prédation environnementale majeure de territoires et pays à l’échelle de la Planète. D’ores et déjà, cette prédation débouche sur une multiplicité de crises sociétales dont nous sommes les témoins. Il sera très difficile de répondre à toutes ces crises en l’absence de ressources et moyens techniques à la hauteur. À cet égard, le choix des électeurs américains ne peut qu’inspirer nos inquiétudes.
Derrière ces mutations sans espoir de retournements rapides, nos entreprises industrielles locales se mobilisent pour préserver et consolider l’efficience de leurs moyens de production. C’est au prix d’efforts en innovations et réorganisations internes considérables qu’elles assurent leur pérennité dans la redoutable compétition industrielle d’échelle internationale. Les Directeurs et tous leurs collaborateurs, sans la moindre exception, méritent notre plus grand respect quant à leur engagement de tous les instants. Nous le savons tous, notre territoire dépend d’industries à la pointe des innovations techniques comme nulle autre dans le bassin d’emploi rennais et au-delà. Notre devoir de vigilance est de les accompagner.
Philippe Bonnin,
Maire de Chartres de Bretagne
[1] - Source Comité des Constructeurs Français d’Automobiles - CCFA.
[2] - CICE - Crédit d’Impôts pour la Compétitivité et l’Emploi.