lundi 8 septembre 2025

Décidément, où est donc passé « l’esprit humain » ?

Le 25 juillet dernier, Jean-François Bouthors, écrivain et éditorialiste à Ouest France faisait état des méthodes de désinformation / manipulation pour inculquer tout un narratif d’idées réductrices, capables d’emporter l’adhésion, sans la moindre prise de recul ou d’analyse critique … « raconter une histoire non seulement convaincante, mais émouvante, qui crée un attachement au produit de sorte qu'on éprouve le besoin de l'acquérir ». Ce sont là des techniques bien connues du marketing. Au gré des années, très insidieusement, ces techniques s’introduisent dans le champ de la politique ; et l’éditorialiste de poursuivre : « Nous vivons à l'heure des éléments de langage et des récits façonnés par des communicants qui distordent, opacifient ou même détournent le débat démocratique ». Dans un contexte si nébuleux, ombrageux, de quels argumentaires bien construits dispose encore chaque citoyen pour se faire une opinion personnelle et mesurée ? Une opinion libérée de la désinformation omniprésente. Pour Jean-François Bouthors, nous en sommes arrivés à un stade ultime, surtout lorsqu’on se réfère aux déclarations, voire diatribes déconcertantes de personnalités telles Messieurs Trump et Poutine (cités par l’auteur), mais également de tant d’autres populistes qui « pullulent » de par le Monde. Le phénomène n’est pas nouveau, mais son ampleur est d’autant plus ravageuse en ces temps de crises sociales et de propagation des informations à un rythme effréné. Toutefois, convenons en, « Tout ce qui est excessif est insignifiant » ([1]) … mais hélas il en reste toujours quelque chose ([2]).

Veillons donc à ce que notre société ne sombre plus avant encore dans tous ces travers toxiques ; qu’il s’agisse des prises de position à propos de la sécurité, la délinquance, l’ostracisme, le racisme, … en proférant des allégations qui relèvent de la manipulation et même certaines fois du « complotisme » … L’intention manifeste a pour but de nuire, d’ostraciser et bannir les faibles de toutes natures et origines ... Ce n’est pas ainsi que nous construirons une société plus humaine, fondée sur nos valeurs déclinées dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Pourfendre nos politiques publiques en matière de solidarité, de droit au logement, à l’éducation, à la culture … ne peut contribuer à préserver « l’esprit de la citoyenneté dans la cité ».

Ainsi, les communes changent, la nôtre également avec ses particularismes industriels bien réels, et d’enjeux déterminants pour l’économie locale et au delà. Voici déjà plus d’un demi-siècle, les salariés des usines Citroën venaient du monde rural depuis la Bretagne, les Pays de la Loire et la Normandie. À l’heure de la mondialisation, ils arrivent de tous les continents ([3]). Ils représentent le tiers des effectifs dans les usines et ne prennent la place d’aucun. En effet, des générations sont parties et de nouvelles arrivent ; certes différentes. J’ajoute que les industries ont toujours été un facteur déterminant d’intégration sociale. À cet égard, les pourfendeurs de cette réalité, pourtant essentielle à la préservation de nos modes de vie privilégiés ([4]) dans un monde globalisé, n’ont en tout et pour tout que la vision de certains propos de comptoir. Au final, quel rôle jouent réellement ces gens dans une communauté humaine qui nous fait honneur, parce que responsable et solidaire, et telle que nos pères l’ont voulue ? Avec un état d’esprit aussi désolant, promouvoir la nostalgie d’un passé irréel, déformé à souhait … peut-il relever d’un véritable projet de société, résolument tourné vers l’avenir ?

Philippe Bonnin, Maire



[1] - Talleyrand-Périgord (1754 - 1838).

[2] - Inspiré de propos tenus par Voltaire en 1736 : « mentez mes amis, mentez, je vous le rendrai un

    jour » puis interprété par « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ».

[3] - Schneider, Joncoux, Stellantis, demain Safran et d’autres en réflexion après des années sans

     projet.

[4] - des groupes industriels renoncent à investir, faute de main d’œuvre locale.